Mission juridique

La responsabilité

Le métier d’architecte est au croisement de plusieurs régimes de responsabilité : civile, pénale, délictuelle, contractuelle, générale ou spéciale. Le présent article s’efforce de dénouer un à un les fils de cet assemblage complexe.

Le droit spécial : les garanties décennale et biennale

La garantie décennale est supportée par tout constructeur d’ouvrage immobilier, ce qui inclut l’architecte.

Elle a lieu de s’appliquer en présence d’un certain type de dommage :

  • un dommage qui compromet la solidité de l’ouvrage, c’est-à-dire un désordre important qui toutefois n’implique pas forcément la ruine du bâtiment (exemples : carrelage à refaire, défaut d’étanchéité des façades) ;
  • un dommage qui rend l’ouvrage impropre à sa destination (exemple : une installation de chauffage dont la chaudière est défectueuse) ;
  • un dommage qui affecte la solidité d’un élément indissociable de l’ouvrage (exemple : défaut de solidité d’un enduit).

Elle ne joue que si le dommage était caché au moment de la réception de l’ouvrage. Les désordres apparents relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun. Concernant l’effet de la garantie : pendant dix ans à compter de la réception des travaux, l’architecte est responsable de plein droit des désordres considérés. Cela signifie concrètement que réparation peut lui être demandée devant le juge sans avoir à prouver une faute quelconque de sa part !

Son seul levier d’exonération consiste à démontrer que le dommage provient d’une cause qui lui est étrangère :

  • un évènement de force majeur, imprévisible et irrésistible, un ouragan par exemple ;
  • ou le fait d’un tiers : un autre constructeur ou bien encore le maître de l’ouvrage lui-même.

L’architecte supporte également une garantie biennale qui s’applique, là encore, à un type particulier de dommage : celui qui compromet le bon fonctionnement d’un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage (par exemple, un interphone).

Le dommage ne doit pas être apparent lors de la réception des travaux, l’architecte en est responsable de plein droit pendant deux ans à compter de cette date.

Le droit commun : la responsabilité civile délictuelle ou contractuelle

C’est un grand classique du droit : les lois spéciales dérogent aux lois générales (specialia generalibus derogant pour les latinistes avertis…). Et les architectes ne font pas exception à la règle ! C’est pourquoi leur responsabilité civile de droit commun ne s’applique que dans la mesure où le litige considéré ne relève pas de la garantie spéciale, décennale ou biennale.

La responsabilité contractuelle

Cela peut sembler évident, mais autant le préciser à titre liminaire : ce cas de responsabilité suppose l’existence d’un contrat entre les parties au litige, typiquement un contrat entre l’architecte et le maître de l’ouvrage.

Il est soumis au fameux triptyque : faute – lien de causalité – dommage : la faute de l’architecte doit avoir causé le dommage.

La faute est définie par rapport à la convention : il s’agit d’une inexécution, d’une mauvaise exécution ou d’un retard dans l’exécution du contrat.

Attention

Même si l’acte ne le prévoit pas expressément, l’architecte doit satisfaire à un devoir de conseil (par exemple indiquer l’existence de tel ou tel risque).

La responsabilité contractuelle s’appliquera notamment dans le cas d’un désordre apparent, signalé lors de la réception de l’ouvrage.

La responsabilité délictuelle

lle s’applique en l’absence de contrat entre les parties au litige, par exemple dans l’hypothèse d’un contentieux entre deux constructeurs intervenant sur le même chantier.

On retrouve la triple condition de la faute, du lien de causalité et du dommage qui doivent être prouvés par la victime pour obtenir réparation.

La faute s’apprécie cette fois selon un critère moral qui trouve corps dans le fameux personnage du bon père de famille (bonus pater familias…) : mais est-ce que oui ou non, le bon père de famille architecte aurait agi de la sorte ???

Est ainsi fautive par exemple une démolition mal contrôlée ou encore, une construction sans précaution sur un sol meuble.

La responsabilité pénale

Un certain nombre d’incriminations pénales intéressent également l’architecte, au premier chef le délit d’homicide involontaire ou de blessures involontaires dans l’hypothèse par exemple de l’effondrement d’un ouvrage immobilier.

On peut également citer de manière plus spécifique l’article L. 480-4 du Code de l’urbanisme qui sanctionne le fait d’exécuter des travaux en méconnaissance de prescriptions imposées par un permis de construire.

Ainsi lourde et complexe est la responsabilité de l’architecte, c’est pourquoi obligation lui est faite de contracter une assurance professionnelle.

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